Tag Archives: fluide

Chloé Mazlo, cinéaste d’animation

11 Mai

En poussant la porte de chez Chloé, je me dis – « ça claque d’être artiste ». Pas parce que ce sont tous des gens grands, beaux, riches et intelligents. Non, ça ce sont les gens qui rédigent des blogs – comme chacun sait. Ce qui me frappe c’est le bordel ambiant. Chez moi, c’est une plaie, masse grisâtre parfois un brin sale. Chez Chloé, le bordel est coloré, festif. Des mains en papier géantes cachent une kalachnikov en plastique. Des badges, des bouquins, des photos, une casquette imprimée Vichy, un poster de chats en hologramme…

D’ailleurs, en la regardant avec sa robe imprimée grand mère et ses godillots à moitié ouverts, elle a du style. Indéniablement. Sur quelqu’un d’autre, ça aurait au mieux un effet Causette. Marie-Anne Chazel au pire. Mais chez Chloé, c’est fluide. L’art de faire du neuf avec du vieux, d’arranger des éléments de bric et de broc. J’aimerais bien lui mettre Bubamara en fond musical, mais elle trouverait sûrement ça cliché, pas assez electro ou je ne sais quoi. On ne s’improvise pas Chloé. Voilà un premier apercu de croquis de la demoiselle.

La meilleure façon de comprendre son travail, c’est encore d’aller voir ses films. Moi je me suis essayé à la description, d’un maladroit « entre Michel Gondry et Marjane Satrapi », avant de me faire renvoyer dans mes 22. « Beaucoup de gens me font cette reflexion. Je comprends pas trop pourquoi. Enfin si, sans doute Gondry parce que mes films sont fait avec du carton, et Satrapi à cause du Liban, même si elle est iranienne. Ca doit se confondre dans la tête des gens. Iran, Liban… Non ? » OK, je ferme ma gueule.

Son premier film d’animation, « L’amour m’anime », est un projet de fin d’études. Une sorte de journal intime d’une jeune fille qui loose dans ses relations amoureuses. Autobiographique ? elle confirme. « Mais c’est finalement ce que je connais le mieux. Et en parlant de moi, j’arrive un peu à parler de plein de gens. En plus, c’est moins cher que le psy ! » sourit-elle.

Après des études aux Arts Décos de Strasbourg, alors que ses potes d’école s’en vont bosser comme graphistes, elle n’en fait qu’à sa tête et décide de continuer à faire des films. « Le graphisme m’a appris énormément de choses utiles pour mon travail. Mais travailler dans ce milieu, pour des clients qui ont des goûts de chiottes… » J’acquiesce. J’ai entendu dire que c’est pour ce genre de raison que des journalistes ouvrent des blogs…

Le choix à l’époque n’est pas évident pour autant. Pas tant vis à vis de sa famille, qui n’en attendait pas moins. Son père, bijoutier créateur a convaincu deux de quatre enfants de se lancer à sa suite. La n°2 se devait de faire quelque chose de ses mains. Elle m’exhibe fièrement un dessin de gamine intitulé « quand je serai grande je ferai des tableaux ».

La difficulté est plus de s’expliquer au jour le jour. « Maintenant j’arrive à en parler, mais au début quand j’arrivais dans une soirée et qu’on me présentait genre « Ça c’est ma pote artiste », c’était pas facile de se justifier ». Quelques années et quelques films plus tard, les doutes se sont progressivement estompés. Parmi d’autres, c’est une photographe rencontrée à Strasbourg qui l’a décomplexée en lui disant que « l’art c’est 90% de travail, 5% de talent et 5% de relations ». Depuis elle retourne la question. Et vous alors, pourquoi vous n’en faites pas de l’art ? C’est vrai ça à la fin ! « Même si ça continue à m’embêter de devoir tout expliquer. Pourquoi dans ton film il y a un ours ? Pourquoi un masque de poulet ? etc… » Bon, je poserai pas la question alors. C’est dommage, certaines images de son film Deyrouth étaient déroutantes (tiens, un super jeu de mot pas fait exprès). Deyrouth, c’est un récit de voyage inversé. L’histoire de cette fille d’émigrés libanais fuyant la guerre refaisant le parcours de ses parents dans le sens contraire. Récit initiatique et foutraque dont voici quelques images.

Dans sa gigantesque chambre-atelier, des bouts de Canson de couleur jonchent la table où ronronnent deux ordinateurs. Ça rappelle l’atelier fabrication de carte de vœux organisé par la vieille Mademoiselle Fournier en CE2.

Sauf qu’on est à la pointe de la technologie. Les animaux, personnages et décors en papier s’animent en fait sur Iphone et IPad. Albert, c’est le nom du ptit gars qu’a pas une vie facile et que tu dois aider à travers sa journée, voilà le projet sur lequel bosse la réalisatrice ce jour-là. Ma première opinion fut « ah ouais gentillet », avant de m’apercevoir que j’avais passé ma soirée à tenter de débloquer les derniers niveaux et collectionner les « trésors » cachés. Ma deuxième opinion est donc « dangereux ». Depuis, un gamin de dix ans m’a pourri les highscores. Ma troisième opinion est donc « frustrant »

Quoi ? Une artiste libre et créative de plus qui se vend au grand capital ? Pas sûr. Une production signée Chloé Mazlo, c’est un peu comme un solo de Santana ou une chronique de Zemmour (dslé c’est pour les moteurs de recherche) : facilement reconnaissable. Récemment, elle a bossé pour une boisson énergisante – Burn – et ça beau être une pub, c’est « vraiment ouf chanmé » selon une enquête indépendante auprès de l’auteur de ce portrait.

Tu as noté la Chloé’s touch ami lecteur ? Si tu n’es pas d’accord, tu peux troller ce post avec des commentaires sceptiques, voire haineux. Nous autres bloggeurs en manque de buzz on adore.

C’est la fin de l’après-midi. L’interview touche à sa fin. Des plans pour la suite ? La réalisatrice passe bientôt de l’autre côté de la barrière en tant que membre du comité de sélection du festival Cinéma Brut. « Et sinon je suis à Genève le WE prochain pour un set de VJing, tu sais pas ce que c’est ? ». Grillé… Après enquête, le VJ c’est comme un DJ (Aaaaah) sauf que c’est des images qu’il mixe en direct. Über fluide.

Pour les images, c’est par là:
http://www.chloemazlo.com/index01.html